Informe Affaires - Édition Mars 2017 - page 24

24 • MARS 2017 •
INFORME AFFAIRES,
Le MENSUEL
économique d’ici
Voilà ce que le tribunal devait déterminer dans une ins-
tance
1
opposant un actionnaire minoritaire détenant
11 % des actions d’une société exploitant un terrain de
camping.
L’actionnaire minoritaire prétendait être opprimé, étant
victime, selon lui, de comportements abusifs et injustes
de la société, de son actionnaire majoritaire et de la
conjointe de ce dernier.
Le tribunal se devait donc d’analyser le recours en op-
pression exercé en fonction des articles 450 et ss de la
Loi sur les sociétés par actions
du Québec et en regard
des faits qui lui étaient soumis.
L’élément déclencheur du litige survient le 10 juin 2014
lorsque la société décide de désactiver la carte d’accès
de l’actionnaire minoritaire faisant en sorte que ce der-
nier ne pouvait, sans acquitter les frais annuels exigibles
de 1 791 $, bénéficier d’un accès au terrain de camping
de la société.
Frustré, l’actionnaire minoritaire, par mise en demeure,
réclame la tenue d’une assemblée annuelle des action-
naires dans les trente jours se plaignant de l’absence de
telles assemblées et de la non-production d’états finan-
ciers annuels depuis plusieurs années.
Par ailleurs, parallèlement, le terrain de camping est
confronté à un important problème environnemental, le
ministère exigeant des travaux de l’ordre de 2 millions
de dollars.
Une assemblée des actionnaires est donc convoquée
et, parmi les sujets prévus à l’ordre du jour, une mise de
fonds de 1 300 000 $ sous forme d’actions ordinaires,
soit 146 289 $ pour l’actionnaire minoritaire, doit être
discuté.
La réaction de l’actionnaire minoritaire ne se fait pas at-
tendre. Il demande au tribunal, d’interdire la tenue de
telle assemblée annuelle et, partant, d’être dispensé de
toute mise de fonds additionnelle, tout en conservant
son pourcentage de détention d’actions votantes et par-
ticipantes dans la société.
Par ordonnance de sauvegarde, l’actionnaire minoritaire
demande également au tribunal d’émettre diverses di-
rectives concernant la remise des états financiers, l’éta-
blissement de la juste valeur marchande des actions de
la société, la tenue d’une enquête, la remise de diffé-
rents documents et informations ainsi que l’interdiction
de toute opération sur les actions de la société.
Au stade de l’ordonnance de sauvegarde, le tribunal
rappelle que les critères d’émission d’une telle ordon-
nance sont semblables à ceux applicables en matière
d’injonction provisoire, soit : l’urgence, l’apparence de
droit, le préjudice sérieux et irréparable et la balance des
inconvénients.
Le tribunal établit également trois autres critères consi-
dérés en semblable matière, soit :
• Éviter de porter préjudice aux activités normales de la
société; et
• Protéger raisonnablement les actionnaires minoritaires
contre les fautes préjudiciables des majoritaires; et
• Éviter de conférer un droit de veto paralysant aux
actionnaires minoritaires dès qu’il y a désaccord, pro-
tégeant ainsi la société contre la « tyrannie de la mi-
norité ».
En l’espèce, le Tribunal conclut que le recours exercé
par le minoritaire est principalement motivé par son dé-
saccord avec la décision de la société de lui interdire
l’accès au camping.
Par ailleurs, le Tribunal note que le volume d’affaires de
la société s’élève à environ 600 000 $ avec un béné-
fice net annuel approximatif de 50 000 $ et un actif de
475 000 $.
En regard des activités normales de la société et de
l’intérêt du commerce corporatif, juxtaposées aux exi-
gences du ministère de l’Environnement et aux motiva-
tions intrinsèques de l’actionnaire minoritaire, le Tribunal
rejette la quasi-totalité des demandes de l’actionnaire
minoritaire, les qualifiant de disproportionnées et sus-
ceptibles de mener la société à l’insolvabilité, rendant
ainsi la demande de l’actionnaire minoritaire quasi sui-
cidaire. Le Tribunal décide cependant d’assujettir à son
autorisation judiciaire préalable, toute aliénation par les
actionnaires de leurs actions dans la société. C’est là, la
seule demande de l’actionnaire minoritaire retenue par
le Tribunal.
Cette décision nous rappelle la règle de la proportion-
nalité. Tout actionnaire minoritaire que vous soyez, le
recours en oppression a ses limites et il doit être exercé
pour motif valable et être adapté en fonction de l’intérêt
du commerce corporatif visé afin d’éviter de porter pré-
judice aux activités normales de la société concernée
en regard de sa capacité de payer et de sa situation
factuelle au moment de la présentation de la requête en
oppression.
La disproportion des remèdes demandés n’a pas sa
place dans un recours en oppression intenté en vertu
des articles 450 et ss de la Loi sur les sociétés par ac-
tions du Québec surtout lorsque l’oppression alléguée
relève plus d’un désaccord du minoritaire que d’une
conduite abusive ou injuste de la société envers ses ac-
tionnaires minoritaires.
1
Binette c. Club naturiste Les loisirs Air-Soleil inc., 2015 QCCS 1974
Claude Lemieux, avocat
418-668-3011
203G03-17
Les limites de la tyrannie de
l’actionnaire minoritaire oppressé
COMPRENDRE... IMAGINER... AGIR...
Le bateau de la Canada Steamship Lines
amarré au port de Chicoutimi en 1928.
(Photo: Source grandquebec.com)
La drave sur la rivière Shipshaw en 1909.
(Photo: Source : BAnQ)
Quai de l’Anse-Saint-Jean en 1885.
(Photo: Source: slideshare.net/desbiens123)
La Pulperie de Chicoutimi en opération en
1898.
(Photo: Source : BAnQ)
Train de Roberval Saguenay en chargement
à Arvida, 1927.
(Photo: Source :
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