Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Formation et emploi, une synergie à créer publié dans notre édition du mois d'août.

SAGUENAY – Le syndrome de l’imposteur, ce sentiment autoentretenu de doute et de remise en question de sa personne et de ses compétences, touche aussi les entrepreneurs. Ils sont plus nombreux qu’on le croit à se sentir, sans l’exprimer à haute voix, comme des imposteurs dans le monde des affaires.

Ce syndrome peut toucher n’importe quel entrepreneur, n’importe quand dans sa carrière, peu importe son domaine d’activité. « J’accompagne des entrepreneurs depuis 2006 et c’est quelque chose qu’on observe souvent. Ce que je remarque, c’est que ça survient beaucoup chez les gens autodidactes », indique Joanne Doucet, formatrice à l’École des entrepreneurs du Québec (ÉEQ).

Celle-ci souligne que l’entrepreneur va partir de son corps de métier pour créer une entreprise. Au départ, il n’aura pas nécessairement les ressources financières pour engager des spécialistes dans les domaines qu’il maîtrise moins. « Souvent, l’entrepreneur est excellent dans sa profession. Il dépasse la moyenne. Là, il se retrouve à devoir acquérir de nouvelles compétences en gestion. C’est un peu l’inconnu. Il doit improviser dans plusieurs sphères. Ça amène beaucoup de doute », précise-t-elle.

Un autre point qui peut mener les entrepreneurs à se sentir comme des imposteurs est le fait qu’il s’agit en quelque sorte d’un titre autoproclamé. « Il n’y a personne qui dit à l’entrepreneur qu’il a un beau CV et vraiment toutes les compétences pour exercer ce métier-là. C’est lui qui décide de se lancer et qui se donne un titre dans son entreprise. Il n’y a pas la validation d’un supérieur », illustre Mme Doucet.

Quand le doute devient malsain

Le doute peut être tout à fait sain. Il peut permettre de s’améliorer et de s’ajuster ou stimuler le développement des compétences. C’est lorsqu’il atteint la confiance en soi et paralyse la personne que le doute devient malsain. « Souvent, le syndrome de l’imposteur va apparaître quand l’entrepreneur va rester seul avec ses doutes », souligne Joanne Doucet.

Lorsque le syndrome de l’imposteur s’incruste, deux effets sont possibles : l’autosabotage ou la surpréparation. « Dans le premier cas, l’entrepreneur va procrastiner ou éviter certaines tâches pour se donner une raison d’échouer. Il part du principe qu’il ne réussira pas, procrastine, et finalement ne réussit pas et ça confirme ses doutes. Ça crée une boucle sans fin », explique la formatrice.

Lorsque l’entrepreneur entre dans la surpréparation, c’est la rentabilité de l’entreprise qui risque d’être affectée. Le dirigeant va alors prendre beaucoup trop de temps pour faire une tâche ou un projet pour s’assurer qu’il soit parfait par rapport au prix qu’il facture.

Pas un état final

Le syndrome de l’imposteur n’est heureusement pas un état final. Il est possible de quitter ce cercle vicieux. « La première étape, c’est de prendre conscience de ce sentiment. Il faut reconnaître que c’est une perception liée à la confiance en soi. Il faut ensuite apprendre à faire confiance à nos capacités d’entrepreneur », mentionne Mme Doucet.

Celle-ci considère qu’il est essentiel pour les entrepreneurs de sortir de leur isolement. « Souvent, ils n’ont pas d’amis entrepreneurs avec qui ils développent une relation de confiance. Ça fait en sorte que tout ce qu’ils vont voir, c’est de l’apparence. Ils vont observer seulement le succès. Avec les réseaux sociaux et la mondialisation, c’est facile de se comparer et ça accentue le doute. En rencontrant d’autres entrepreneurs, on peut rapidement réaliser que tout le monde vit les mêmes défis et qu’il est normal d’avoir des incertitudes. »

Développer ses compétences

Le développement des compétences est l’autre clé pour se sortir du syndrome de l’imposteur. Cela peut se faire par des formations courtes ou encore des parcours plus longs. Un mentor, du coaching ou des groupes d’entraide peuvent aussi aider, en plus de contribuer à briser l’isolement.

« Les parcours à plus long terme peuvent être très intéressants. Ça donne le temps d’être avec d’autres entrepreneurs qui vivent des situations similaires. Il y a réellement des contacts et des relations qui se créent. C’est un groupe de pairs qui expérimente sensiblement les mêmes choses dans le même contexte socioéconomique. Ça génère une certaine richesse », estime Joanne Doucet.

S’attribuer ses succès

L’entrepreneur aux prises avec le syndrome de l’imposteur va également avoir tendance à attribuer ses succès à des facteurs externes, comme la chance. « Il ne mettra pas ses réussites en lien avec ses compétences, ses qualités, ses stratégies ou ses méthodes. Il y a vraiment un lien avec la confiance en soi », affirme Mme Doucet.

Il est donc important de développer des stratégies pour s’octroyer ses propres mérites. Le coaching individuel peut alors être une bonne option. « Il faut se demander sur quelle compétence, quelle stratégie, quelle méthode on s’est appuyé pour vivre ce succès. C’est difficile de prendre du recul comme ça, mais c’est essentiel pour reconstruire la confiance en soi », propose Joanne Doucet.

Les entrepreneurs doivent donc se pencher sur ce qui a bien été et trouver pourquoi ça a bien été. Cela va aussi contribuer à les aider à revivre des succès.

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