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Sophie Villeneuve

Croyez-le ou non, le Québec s’est doté, il y a 10 ans maintenant, d’une politique de souveraineté alimentaire qui a traversé les époques libérales et caquistes, malgré son nom. Cette dernière prévoyait une meilleure mise en valeur de l’identité des aliments du Québec, l’occupation dynamique du territoire, la valorisation du potentiel économique du secteur et le développement durable.

En gros, la souveraineté alimentaire, c’est avoir le droit de produire ce qu’on mange sur notre territoire. Et au Québec, malgré le dynamisme de nos producteurs, on est encore assez loin de la coupe aux lèvres. On le sait, environ 50% de ce qu’on mange ici vient d’ici. Et c’est une spirale. Plus on met ces produits dans nos assiettes, plus ils sont produits à fort volume, plus leur prix baisse. Contrairement à ce que nous pourrions penser, la tendance à l’achat local au Québec ne va pas en s’accentuant. Avec l’inflation et la hausse du coût de la vie des dernières années, les choix idéologiques sont de moins en moins fréquents. À tout prendre, les 2-3$ de différence par article provenant d’une culture locale, additionnés, entrainent des choix qui ne jouent pas en la faveur de nos producteurs.

Mais au-delà du rapport de fierté que nous entretenons pour les produits que nous pouvons retrouver dans nos marchés, comment pourrions-nous pérenniser notre rapport à ces biens essentiels ?

La souveraineté alimentaire, ce n’est pas l’autonomie alimentaire. Évitons d’emblée la confusion, je ne suis pas en train de vous dire que nous devrions ne nous alimenter que de ce que nous faisons pousser ou que nous devrions être complètement indépendants des autres cultures et des autres marchés pour nous nourrir. La diversité des aliments et des saveurs est l’un des plaisirs les plus intéressant qui soit.

Mais est-ce que la souveraineté alimentaire est pour autant impossible à atteindre au Québec, notamment en raison du climat? L’histoire nous offre des pistes de réponses. Nos ancêtres, qui ont défriché le Québec dans des conditions parfois très arides ont eu la chance de compter sur des sols de haute qualité et ont permis le développement d’une expertise forte d’agriculture nordique. Les sols québécois peuvent offrir des produits de 6 à 8 mois par année, selon les régions. La recherche pourra permettre de voir émerger des techniques, des méthodes et des variétés qui pourront aller encore plus loin.

Parce que si on se place à la merci des autres États, pour s’approvisionner, on se place dans une posture de vulnérabilité dont nous n’avons eu qu’un bref aperçu avec la pandémie et avec le conflit en Ukraine.

Quel est, dans ce contexte, le rôle de nos gouvernements ? D’abord l’exemplarité. Les hôpitaux, les écoles, les CPE doivent acheter des aliments d’ici. Faire monter le volume d’achat et ainsi, la production. L’actuel ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, planche sur une refonte de la politique de protection des territoires agricoles, dans le but de préserver nos terres, mais plus largement, de remettre une politique (celle de Jean Garon) datant maintenant de près de 45 ans, au goût du jour.

En lançant sa consultation, il nous fournit des informations qui m’ont surprise et donné matière à réflexion. La superficie des terres en culture ne représente que 0,24 ha par habitant au Québec, alors que c’est 1,52 ha pour l’ensemble du Canada, 1,22 ha pour les États-Unis et 0,42 pour la France.

Le fruit est mur pour passer au prochain niveau.

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