Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : La forêt, porteuse d'avenir publié dans notre édition du mois d'avril.

DOLBEAU-MISTASSINI – Le projet de forêt habitée de la MRC Maria-Chapdelaine vient d’être accepté par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) dans le cadre du Fonds régions et ruralité. L’initiative a pour objectif l’implantation d’une gouvernance locale sur des territoires forestiers d’importance à proximité de zones habitées.

Selon le préfet, Luc Simard, la MRC Maria-Chapdelaine effectue déjà avec succès la gestion de plus petites parcelles, soit les terres publiques intramunicipales (TPI). Le projet de forêt habitée serait toutefois réalisé à beaucoup plus grande échelle. « On parle d’une bande de 40 à 50 kilomètres autour des municipalités. Nous voulons établir la gouvernance de ce territoire en travaillant avec la communauté innue, avec les industriels et avec les gens qui sont présents sur le terrain. Nous voulons faire une gestion collective du territoire. C’est un projet ambitieux et, je pense, qui va être unique au Québec », indique-t-il.

L’Agence de gestion intégrée des ressources (AGIR), une entreprise d’économie sociale qui a redistribué près de 500 000 $ de revenus cette année aux communautés forestières, et le Parc régional des Grandes-Rivières du lac Saint-Jean sont notamment partenaires du projet. « Nous voulons aménager l’ensemble du territoire. Nous ne souhaitons pas regarder seulement la ressource forestière, mais plutôt effectuer un aménagement concerté et intégré de l’ensemble des ressources du territoire », précise M. Simard. Cela inclut donc les activités récréotouristiques, les préoccupations autochtones, la villégiature et la foresterie.

Le préfet cite l’exemple des TPI, sur lesquelles la forêt était en grande partie mature. « Nous avons fait de la récolte sur ces territoires en respectant notre possibilité annuelle de récolte. En même temps, nous y avons développé des centres touristiques ainsi que des réseaux de sentiers pédestres, de ski de fond et de motoneige. Nous avons aussi de l’agriculture qui se fait sur ces terres avec le bleuet et la canneberge. C’est un usage multi-ressources que nous avons réussi à implanter et nous en sommes fiers. »

Par les communautés

Luc Simard croit que le régime forestier actuel, où le gouvernement gère le territoire, fonctionne très mal. « Il y a une rigidité gouvernementale qui est là et qui est normale pour un gouvernement. Sauf que ça prend une souplesse et une agilité qu’il ne peut pas fournir dans ce qui est opérationnel. Notre vision, c’est qu’un territoire forestier devrait être géré par la communauté qui l’habite et qui est à proximité. Si on veut qu’il soit bien aménagé, bien protégé et bien mis en valeur, ça prend des communautés qui s’en occupent », affirme-t-il.

Le préfet estime que la gestion concertée par des communautés permettrait de pratiquer une foresterie accrue, tout en conservant les redevances et en investissant davantage sur le territoire. « Nous voulons en tirer davantage. Nous voulons faire plus d’aménagement forestier et investir plus sur le territoire pour en tirer plus de matière ligneuse. [...] Nous voulons garder les redevances ici pour être capable de faire plus de travaux sylvicoles, afin d’avoir une possibilité forestière accrue. Cela ferait en sorte que nous pourrions avoir certains territoires où on récolte moins. [...] Je suis convaincu que nous sommes capables de marier les opérations forestières avec la mise en valeur de ce territoire pour d’autres fins », assure-t-il.

Plusieurs étapes

Luc Simard indique que plusieurs étapes sont à venir pour assurer la réalisation du projet de forêt habitée. L’embauche d’un chargé de projet est prévue, de même que plusieurs réunions entre les parties prenantes en vue du développement de l’initiative. Même si c’est la MRC qui a déposé le projet, le préfet ne souhaite pas en venir à une gestion calquée sur les TPI, où c’est la MRC qui gère tout. Toute la gouvernance reste ainsi à établir. « C’est un gros morceau. Il va falloir décider quels sont les rôles et les responsabilités de chacun. J’aimerais avoir un conseil d’administration représentatif des intérêts des gens du milieu pour gérer le territoire de façon concertée. C’est une autre vision que nous voulons amener », explique-t-il.

La MRC désire aussi maintenir les garanties d’approvisionnement déjà en place sur les territoires choisis et elle doit donc comprendre comment cela fonctionne. « Nous devrons aussi définir avec notre partenaire AGIR comment nous allons mettre en marché les bois. Nous devons réfléchir à comment nous allons gérer les baux de villégiature. Est-ce que nous faisons un plan de villégiature qui est associé à notre plan de développement territorial ? Est-ce qu’on intègre ça toutes les ressources ensemble ? », illustre M. Simard. L’établissement d’un budget, afin de gérer les revenus et les dépenses, doit également être réalisé.

Le préfet croit qu’une fois mis sur pied, s’il fonctionne bien, le modèle pourrait être répliqué ailleurs. « Je pense que c’est un modèle qui pourrait être fait ailleurs en fonction des besoins des communautés. Ça pourrait être un beau modèle pour l’ensemble du Québec. Ça pourrait faire des petits ailleurs », conclut Luc Simard.

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