Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Le secteur forestier en changement, publié dans notre édition du mois d'avril.

SAGUENAY – L’installation de filaments de cellulose implantée à l’Usine Kénogami de Produits Forestiers Résolu (PFR) est en exploitation depuis un an. L’entreprise poursuit le développement des différents marchés pour ce produit, alors qu’un test de son utilisation dans le béton de trottoirs est en cours au Saguenay.

« Nous avons produit notre première tonne commerciale en janvier 2023. Depuis, nous opérons en campagne [à la demande NDLR]. Nous n’opérons pas encore au maximum de notre capacité et c’était planifié comme ça, en raison de la pénétration des marchés plus complexe. […] C’est un bien de spécialité, un additif de performance, donc nous n’avons pas besoin de fonctionner en continu pour que ce soit rentable », indique Alain Bourdages, vice-président Énergie, optimisation et développement des affaires pour le Groupe Papier Excellence, qui a acquis PFR l’an dernier.

Fruit d’un investissement de plus de 25 M$, l’installation de Kénogami fabrique le filament de cellulose dans sa version « vanille », c’est-à-dire de base, sans modification. C’est ensuite Performance Biofilament, coentreprise créée par PFR et Mercer International pour effectuer la recherche sur la fibre afin de développer les nouveaux marchés, qui s’occupe de le transformer, le sécher et le reconditionner selon les spécificités de chaque industrie.

« C’est eux qui ont développé l’expertise pour comprendre de quoi chaque secteur a besoin. […] Le produit, quand nous le fabriquons, sort en flocons qui sont composés à 35 % de solide et à 65 % d’eau. Par contre, dans le plastique, on veut le moins d’eau possible. […] Du côté du béton, c’est l’inverse. On le baisse à 5 % de solide », illustre M. Bourdages.

Deux types de marchés

L’enjeu dans la commercialisation de la fibre cellulosique est de percer les divers marchés. « C’est un bien qui n’a pas d’équivalent. Il est très différent. […] Ça prend beaucoup de temps, de recherche et de discussions avec les clients pour adopter de nouvelles façons de produire, puisque les méthodes de fabrication doivent être ajustées », souligne le vice-président.

Actuellement, PFR classe les marchés potentiels des filaments de cellulose en deux catégories : traditionnelle ou non traditionnelle. La première regroupe les marchés appartenant aux pâtes et papiers. La fibre cellulosique peut entre autres y être employée dans le domaine des emballages alimentaires, pour mieux sceller la feuille de papier, ou encore pour confectionner des pellicules translucides. « Ce sont les deux créneaux les plus prometteurs, qui risquent d’utiliser plus de volume lorsqu’ils seront à maturité. »

Le deuxième groupe réunit les industries du béton, du plastique et des matériaux non tissés, qui présentent chacune leurs particularités. Dans les plastiques, l’usage de filaments de cellulose permet d’augmenter les matières renouvelables dans la composition de ces polymères. « Ça amène aussi certaines propriétés techniques selon l’application. […] Notre client serait celui qui fournit les différents plastiques et qui conçoit les recettes. La chaîne de valeur est complexe et il faut convaincre chaque acteur de la pertinence de notre produit », explique Alain Bourdages.

Béton

À l’échelle laboratoire et pilote, la fibre cellulosique a des propriétés intéressantes pour l’industrie du béton, alors qu’elle prévient sa fissuration. L’entreprise l’a démontré à sa scierie de Senneterre, en Abitibi-Témiscamingue, où elle a coulé deux surfaces de même forme dans le même bâtiment, la même journée. Celle incluant des filaments de cellulose a peu fissuré, contrairement à celle qui n’en comportait pas. « La difficulté qu’on a, c’est l’ajustement des recettes. Chaque fournisseur a une recette qui diffère un peu. Il y a beaucoup de catégories de béton aussi. Ça rend le processus de mise en marché complexe », affirme M. Bourdages.

Un projet d’essai de béton contenant de la fibre cellulosique dans des trottoirs est en cours à Jonquière, en collaboration avec la Ville de Saguenay. « Nous cherchons des opportunités de démontrer, dans le vrai monde, que ça va performer aussi bien qu’on le dit. C’est là que le soutien de la Ville est très important. »

L’endroit sélectionné est très intéressant pour l’entreprise, puisqu’il inclut une courbe et un dénivelé. « Il y a eu de la neige, du déglaçage, le passage de chenillettes. Ça nous fournit un cycle de gel et dégel et de conditions hivernales dans un climat nordique. C’est un point de données majeur pour montrer à d’autres municipalités que notre produit peut performer », mentionne Alain Bourdages.

Des observations et possiblement la prise d’échantillons seront réalisées ce printemps. « De cette ampleur et de cette visibilité dans une infrastructure publique, c’est le premier essai. Nous sommes persuadés que ça va performer et presque certains que ça n’affecte pas les ouvrages », conclut M. Bourdages.

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