Auteur

Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – L’industrie forestière québécoise réussit à tirer son épingle du jeu malgré les droits antidumping et compensatoires imposés par les États-Unis, en raison des 1,3 million de mises en chantiers dans ce pays et du prix très élevé du bois d’œuvre actuellement, a expliqué le président-directeur général du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), Denis Lebel, devant le Cercle de presse du Saguenay ce matin [21-02-2018 NDLR].

Les États-Unis ne fournissent pas à la demande et doivent importer environ 30 % de leur consommation de bois d’œuvre. Le bois d’œuvre résineux se vend plus de 600 $ du 1000 pieds de planche depuis l’automne 2017 (épinette-pin-sapin de l’Est 2x4 de qualité #2 et meilleure), selon les chiffres dévoilés sur le site Web du ministère des Ressources naturelles du Canada. Or, selon M. Lebel, ce bois se vendait environ 350 $ du 1000 pieds de planche normalement dans les bonnes années.

« Les droits compensatoires n’ont pas empêché nos usines de faire des bonnes affaires. Pour l’instant, les compagnies refilent la facture à leurs clients », a-t-il affirmé. Les choses pourraient toutefois changer si les mises en chantier diminuent de l’autre côté de la frontière.

Exemption

Denis Lebel a toutefois réitéré la position du CIFQ, qui considère toujours que le Québec devrait être exempté de payer des droits compensatoires. Il estime, comme le gouvernement québécois, que le bois de la province est vendu selon le prix du marché, suivant la réforme du régime forestier en 2013.

M. Lebel croit également que le gouvernement fédéral ne devrait pas négocier d’accord à des exportations maximales de 28 ou 29 % de la consommation américaine, comme évoqué par la ministre Freeland, ce qui serait « désastreux pour l’industrie » [ce chiffre est actuellement à 34 % NDLR]. Il dit toutefois avoir tenu des conversations rassurantes avec le gouvernement.

Les négociations canado-américaines dans le dossier sont actuellement au point mort. Rappelons que le Canada a porté plainte à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les pratiques commerciales des États-Unis. Sa décision devrait être rendue bientôt. Selon le président-directeur général du CIFQ, des rumeurs permettent de croire que cette décision devrait être positive pour le Canada. Historiquement, le pays a toujours obtenu gain de cause devant l’OMC sur les différents concernant le bois d’œuvre.

Frontières ouvertes

Denis Lebel a martelé l’importance de garder les frontières ouvertes avec les États-Unis. « 45 % du bois produit au Québec est exporté aux États-Unis, mais il compte pour 60 % de nos revenus », a-t-il précisé.

Le président-directeur général du CIFQ a également évoqué la possibilité de diversifier nos marchés. Il a toutefois rappelé que c’est un défi en raison de la position géographique du Québec. « Il y a effectivement une baisse de production en Colombie-Britannique. La demande américaine ne change pas. On a essayé d’ouvrir ces marchés en fonction des besoins de ces compagnies. […] On ne peut pas penser, en Asie, vendre des produits non transformés. […] Il y a du marché pour ça, mais ça doit être transformé », a-t-il mentionné.

Le plus grand défi

La main-d’œuvre sera sans contredit un énorme défi pour l’industrie forestière, qui vit actuellement, comme plusieurs autres domaines, une pénurie de personnel, a souligné Denis Lebel. « C’est un enjeu majeur », a-t-il ajouté.

Dans ce domaine, M. Lebel veut miser sur les femmes et les autochtones, tout en démontrant aux jeunes que des emplois de qualité les attendent dans l’industrie. Il entend également se pencher sur l’immigration comme solution au problème. Selon lui, il faut modifier la stratégie de recrutement et se tourner vers les régions rurales du monde pour attirer de nouveaux travailleurs qui auront envie de s’établir en région.

Changer d’approche

En matière d’environnement, le président-directeur général du CIFQ affirme qu’on doit changer d’approche et porter le message, arguments scientifiques à l’appui, que la forêt fait partie de la solution aux changements climatiques. Il propose notamment de favoriser la construction en bois et de miser sur le cycle de vie et la faible empreinte carbone du matériau bois, tout en se tournant vers les biocarburants et la biomasse pour utiliser les résidus.

Questionné sur l’aspect du caribou forestier, Denis Lebel a fait valoir qu’il est important de protéger la faune, mais qu’on doit se baser sur des connaissances scientifiques, pour lesquelles on manque encore de données, selon lui. Il a rappelé que ce sont 60 000 familles qui dépendent de l’industrie forestière et qu’il ne faut pas non plus les oublier dans le processus.

Quant à l’avis du forestier en chef donné récemment, M. Lebel affirme qu’il est « porteur d’avenir », même si « on manque encore de bois ». « Ça vient changer les habitudes. […] On va devoir être plus performants », a-t-il mentionné, en réaffirmant le côté positif de cet avis.

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