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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – L’équilibre entre le travail et la famille est un des enjeux de l’heure et nombre d’employeurs mettent en place des mesures pour faciliter la vie des mères qu’ils emploient. Mais qu’arrive-t-il lorsque la maman est à la tête de l’entreprise ? Quels sont les défis de la conciliation travail-famille lorsqu’on est une mère en affaires ? Deux entrepreneures se prononcent.

Sophie Tremblay a lancé les Coffrets du Royaume il y a sept ans avec son conjoint Guillaume Gosselin. Famille recomposée, leurs enfants, aujourd’hui âgés de 12, 13, 14 et 17 ans, étaient à l’époque assez jeunes. La première année, la maman conjuguait un emploi avec l’entreprise, à laquelle elle s’est entièrement consacrée par la suite.

« Au départ, notre commerce était implanté à la maison. C’était plus facile pour la conciliation. Nous avons souvent impliqué les enfants, par exemple pour l’emballage ou l’étiquetage, mais nous ne les avons jamais obligés. Ça nous permettait de passer du temps ensemble même en travaillant », raconte Mme Tremblay.

Véronique Perron a, pour sa part, repris l’entreprise familiale J.E. Perron avec trois autres actionnaires de la famille en 2017. La femme d’affaires, mère de quatre enfants âgés de 10 à 14 ans, occupe aujourd’hui le poste de présidente. « J’ai intégré J.E. Perron d’abord comme salariée. J’ai commencé ma vie de femme d’affaires vraiment en 2017. J’ai travaillé fort avant, mais quand j’ai eu mes enfants, mon père était encore présent dans l’entreprise et mon frère s’est joint à nous. Je me sentais bien supportée », explique-t-elle.

Des défis

Mener le développement d’une entreprise de front avec celui d’une famille présente de nombreux défis. « Les obligations sont différentes de celles d’un salarié. Il faut donner l’exemple. Je ne peux pas dire aux gens d’aller à l’extérieur pendant que je reste toujours au bureau, parce que ça fait partie du travail aussi. Quand on possède notre propre compagnie, on ne compte pas nos heures. Il y a des activités le soir, les fins de semaine, différentes implications dans des événements et activités. On peut recevoir des téléphones à n’importe quelle heure », illustre Véronique Perron.

Sophie Tremblay abonde en ce sens. « On ne décroche pas. C’est comme si on avait plusieurs quarts de travail. Ça n’arrête pas. Mais quand tu es entrepreneure, ça ne te dérange pas. »

Mme Perron considère que le plus difficile pour elle, ce sont les absences prolongées, inévitables dans son domaine. « Les enfants s’ennuient. Parfois, il y a des reproches qui viennent avec ça et ils savent peser là où ça fait mal. Il faut faire la part des choses. Il faut s’assumer là-dedans aussi. Ce n’est pas parce que je suis une maman que c’est différent d’un papa. Quand je suis là, j’essaie d’être plus présente pour eux », estime-t-elle.

Soutien familial

Les deux femmes d’affaires sont unanimes : pour y arriver, le soutien de l’autre parent et de la famille est essentiel. « Mon conjoint est entrepreneur aussi, donc il comprend bien ma réalité. Nous nous entraidons le plus possible », indique Mme Tremblay.

Le conjoint de Véronique Perron, qui occupait un emploi demandant de partir à l’extérieur la semaine, a fait le choix de changer d’occupation afin d’être plus présent. « Ça prend beaucoup d’organisation. Au départ, je conciliais bien travail-famille, même quand il n’était pas là. Par la suite, nous avons dû prendre d’autres décisions. Souvent, nos “rush” tombaient en même temps. Quand les enfants étaient malades, j’avais quand même des tâches à compléter. Il a choisi un emploi plus facile pour la conciliation travail-famille, parce que j’avais des obligations que je ne pouvais pas mettre de côté. C’est un choix familial et un travail d’équipe à la maison. »

Le soutien de sa famille est aussi important pour Mme Perron. « J’avais beaucoup de support de mes parents. […] Mon frère et ma sœur, actionnaires avec moi, ont des enfants aussi. Ils me donnent vraiment un coup de main et je leur rends la pareille. Nous nous entraidons, ça donne une chance! »

Des conseils ?

Si Véronique Perron a un conseil à donner aux mères qui souhaitent se lancer en affaires, c’est de ne pas se sentir coupable. « Parfois, on dirait que les gens veulent nous culpabiliser parce que nous sommes des femmes et qu’ils ont l’impression que nous ne nous occupons pas bien de nos enfants en ayant de plus grosses responsabilités. Moi, je ne suis pas d’accord. J’ai le droit de m’accomplir comme personne. Mes enfants ne manquent de rien. Ils ont une mère heureuse et qui se réalise. […] Oui, il faut prendre du temps pour notre couple, pour notre famille, mais il ne faut pas culpabiliser la semaine quand on est au travail et qu’on a un gros coup à donner », affirme-t-elle.

Sophie Tremblay recommande de s’obliger à s’arrêter, de faire des choix. Impliquée dans plusieurs comités, elle a choisi cette année de laisser tomber certaines obligations afin de se concentrer sur du bénévolat qui lui permet d’être auprès de ses enfants. « L’équipe de hockey scolaire de mon garçon cherchait une gérante, j’ai donc choisi de m’impliquer là-dedans. C’est une façon pour moi d’être avec mes enfants. Je veux faire passer leurs besoins en priorité sur mon bénévolat », révèle-t-elle. Mme Tremblay rappelle qu’il faut aussi prendre du temps pour sa famille. « Une maman, ça reste d’abord et avant tout une maman », conclut-elle.

De bons côté à être une maman-entrepreneure

Selon Sophie Tremblay de Coffrets du Royaume, cela lui permet de travailler de la maison lorsqu’un de ses enfants est malade. « C’est moi qui décide de mon horaire. Par exemple, quand j’assure la gérance de l’équipe de hockey de mon fils, je peux travailler dans l’autobus. »

Éviter le stress du matin pour aller porter les enfants à l’école et arriver à l’heure au bureau a été un autre bénéfice que Mme Tremblay a pu tirer de cette flexibilité. « C’est un grand stress que j’avais avant et maintenant, je ne le vis plus. C’est quelque chose que je préconise beaucoup pour de mes employés aussi. Je préfère qu’elles arrivent un peu en retard un matin et que leur enfant soit correct, sans stress, plutôt que de presser leur famille. »

Véronique Perron de l’entreprise J. E. Perron voit cette flexibilité d’une façon un peu différente. « Ça m’apporte une flexibilité dans mon travail parce que je fais les choses comme je veux. En ce qui a trait à l’horaire, un peu moins, parce que c’est important pour nous que ce soit équitable par rapport aux employés, de montrer l’exemple », précise-t-elle

Se réaliser

Mme Perron estime que le principal avantage de son rôle comme présidente de J.E. Perron et maman est l’accomplissement de soi. « Si je n’étais pas heureuse comme ça dans mon travail, je ne serais pas aussi bien dans ma peau et aussi plaisante avec mes enfants. Avoir une maman qui s’accomplit, c’est un bon exemple pour eux, pour mes filles entre autres. Je leur montre qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent dans la vie, qu’il n’y a pas de limite », affirme-t-elle.

La qualité de vie offerte par son travail est également un bénéfice d’être à la fois mère et cheffe d’entreprise. « On peut faire plus d’activités, voyager en famille, aller au chalet. »

Travailler ensemble

Sophie Tremblay affirme qu’il est également important que ses enfants puissent profiter des possibilités créées par les Coffrets du Royaume. Ceux qui le désirent peuvent ainsi travailler dans l’organisation.

« Le fils de Guillaume s’occupe du département des campagnes de financement. Les deux miens travaillent à la crèmerie en ce moment. Ça vient toujours d’eux. J’aime que mes enfants puissent travailler avec moi dans l’entreprise et en profiter », souligne-t-elle, ajoutant que cela leur permet de passer de bons moments ensemble.

Petits bonheurs

Pouvoir accompagner ses enfants dans leurs sports et leurs projets est une grande joie dans le rôle de maman de Sophie Tremblay. « Ce sont des moments que je vis avec eux. Moi, ça me fait du bien aussi », précise-t-elle.

Quant à Véronique Perron, son plus grand bonheur de mère est de voir ses enfants se développer, commencer à avoir des opinions. « Ils arrivent à un âge où ils s’intéressent au monde extérieur, où on a de belles conversations avec eux. À date, je trouve qu’ils sont de bonnes personnes. Ça fait plaisir de voir leur développement comme ça », conclut-elle.

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