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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Les représentants de l’Association des fournisseurs de Chantier Davie Canada ont profité du passage du Premier ministre Justin Trudeau à Saguenay pour demander qu’il s’engage à conclure rapidement les négociations avec l’entreprise québécoise concernant l’acquisition de quatre brise-glace. Le chantier fait face à une diminution drastique de son carnet de commande qui menace des emplois hautement qualifiés dans toute sa chaîne d’approvisionnement.

L’étude du projet Resolute, qui consiste en la conversion de quatre brise-glace parmi les plus puissants de leur catégorie pour qu’ils correspondent aux normes de la Garde côtière, est en étude auprès du gouvernement depuis plus de deux ans. En janvier, Trudeau avait annoncé à Québec que les négociations débutaient. Or, celles-ci sont au point mort depuis.

Les responsables de l’association considèrent que le Premier ministre était sérieux dans son intention d’octroyer le contrat des brise-glace au chantier maritime québécois. Ils lui demandent de ne pas trop tarder. « On voit que ça retarde tout le temps. Ça ne cadre pas avec ce qui nous a été dit le 18 janvier. […] C’est une question de respect. On considère qu’il y a une promesse qui a été faite […] et [le gouvernement] doit donner des signaux et des faits [en ce sens]. Respectons les partenaires », martèle Richard Tremblay, président de l’entreprise saguenéenne Charl-Pol, membre de l’Association des fournisseurs de Chantier Davie Canada.

« On ne monte pas aux barricades pour rien. J’ai assez d’expérience pour sentir quand une négociation avance et quand ça ne marche pas. Et quand je parle avec Chantier Davie, je vois que ça ne marche pas beaucoup. […] D’habitude, si ça va bien, on voit que ça avance. Il y a des lettres d’intention, des engagements graduels. On ne voit pas ça du tout actuellement. Alors on s’interroge », affirme M. Tremblay.

Les retombées d’une petite aluminerie

Le président de Charl-Pol compare les retombées économiques à l’échelle québécoise des contrats octroyés au Chantier Davie à celles d’une petite aluminerie. Pour l’entreprise de Saguenay, c’est une centaine d’emplois qui sont sécurisés lorsque le chantier tourne à plein régime. « Ce sont des emplois hautement spécialisés. Ce sont des gens formés particulièrement pour la Davie. Ce serait très dommage de perdre ces ressources-là. C’est une perte d’énergie », estime-t-il.

Richard Tremblay rappelle que lorsque son organisation a travaillé sur de précédents contrats du chantier maritime, son entreprise a investi un million de dollars seulement pour effectuer des travaux de modification pour les routes afin de pouvoir assurer le transport des modules, qui étaient trop larges, de même qu’à Port Saguenay pour permettre d’embarquer ces énormes structures sur des barges. Ces infrastrutures servent encore aujourd'hui pour d'autres activités, même pour d'autres entreprises de la région. « C’est un secteur d’activité névralgique », soutient-il.

Brise-glace désuets

Les brise-glace actuellement en opération pour la Garde côtière sont désuets, selon le rapport Emerson produit en 2016. Selon Pierre Drapeau, ils auraient même dépassé leur durée de vie. Il rappelle qu’en 2017, un navire transportant de la bauxite est resté coincé dans les glaces deux jours, amenant des impacts du côté de Rio Tinto, parce que les brise-glace qui auraient pu le délivrer étaient tous en réparation. Il cite également l’exemple de l’Amundsen, dont les réservoirs d’eau potable pour le personnel sont contaminés au plomb.

L’Association des fournisseurs de Chantier Davie Canada croit que le projet Resolute proposé par l’entreprise québécoise est une solution à ces problèmes. Il fournirait les quatre plus puissants brise-glace privés à une fraction du coût d’une construction neuve et les bateaux, après conversion, répondraient à tous les critères de la Garde côtière canadienne.

Par ailleurs, Pierre Drapeau et Richard Tremblay rappellent que les chantiers Irving (Nouvelle-Écosse) et Seaspan (Colombie-Britannique) n’ont pas encore livré un seul des navires pour lesquels ils ont eu des contrats et de l’argent du gouvernement fédéral dans le cadre de la stratégie canadienne de construction navale depuis sept ans, alors que Davie a livré l’Astérix en 24 mois. « Est-ce que le Québec va rater tous les milliards de dollars qu’il pourrait aller chercher dans le cadre des futurs contrats du Canada », questionnent-ils.

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